La mérule, ou Serpula lacrymans, est l’un des champignons lignivores les plus destructeurs pour les structures en bois. Dans une maison à ossature bois, les risques sont particulièrement élevés, car l’ensemble de la stabilité du bâtiment repose sur des éléments en bois, parfois difficiles d’accès. Comprendre les risques spécifiques, savoir reconnaître les signes précoces et connaître les traitements adaptés est essentiel pour protéger durablement son habitation.
Comprendre la mérule et son mode de développement
La mérule est un champignon qui dégrade la cellulose du bois. Elle provoque ce que l’on appelle la « pourriture cubique », rendant les pièces de charpente cassantes, fissurées et friables. Elle se développe silencieusement, souvent cachée derrière des parements, des doublages ou sous les planchers.
Pour se développer, la mérule a besoin de conditions bien particulières :
- Une humidité élevée et durable (bois et murs avec un taux d’humidité supérieur à 20 % environ) ;
- Une température douce, généralement entre 18 et 26 °C ;
- Une absence de ventilation ou une mauvaise circulation de l’air ;
- Des matériaux cellulosiques disponibles : bois d’ossature, planchers, cloisons, panneaux dérivés du bois.
Lorsque ces conditions sont réunies, les spores de mérule germent, forment un mycélium blanc à gris, puis des cordonnets pouvant s’étendre sur plusieurs mètres, et enfin des fructifications brun-rouille produisant de nouvelles spores. C’est cette capacité de propagation discrète qui en fait un danger majeur pour les maisons à ossature bois.
Maisons à ossature bois : des risques spécifiques face à la mérule
Les constructions à ossature bois (MOB) sont performantes thermiquement, rapides à monter et appréciées pour leur faible impact environnemental. Toutefois, leur structure même peut les rendre vulnérables à la mérule si la conception, l’exécution ou l’entretien ne sont pas irréprochables.
Plusieurs facteurs augmentent le risque :
- Présence importante de bois porteur : montants, lisses, contreventements, planchers et solives représentent une réserve de cellulose considérable.
- Parois fermées difficiles à inspecter : les ossatures sont souvent recouvertes de plaques de plâtre, bardages, isolants. Un développement fongique peut rester longtemps invisible.
- Sensibilité aux défauts d’étanchéité : infiltrations d’eau de pluie, remontées capillaires en pied de mur, fuites de toiture ou de plomberie peuvent humidifier la structure.
- Faible inertie et séchage parfois insuffisant : si les bois mis en œuvre n’étaient pas suffisamment secs ou si le chantier a été exposé à l’humidité, la mérule peut s’installer dès les premières années.
Une maison à ossature bois n’est pas « condamnée » à la mérule. Mais un défaut de conception (absence de rupture de capillarité, ventilation des vides sanitaires, gestion des points singuliers) ou un manque d’entretien (gouttières encrassées, fissures non réparées, ventilation défaillante) accroît nettement la probabilité d’infestation.
Signes précoces de mérule dans une maison à ossature bois
Le diagnostic précoce est décisif : plus la mérule est détectée tôt, plus les travaux restent limités. Dans les maisons à ossature bois, certains indices doivent alerter les occupants :
- Odeur persistante de champignon ou de terre humide, surtout dans les pièces basses, les caves, les vides sanitaires, ou derrière des cloisons.
- Déformations des parements (plaque de plâtre bombée, lambris gondolé) ou apparition de taches brunes et d’auréoles d’humidité.
- Bois qui se fissure en petits cubes, se casse facilement ou s’effrite sous la pression d’un tournevis.
- Présence de filaments ou nappes blanchâtres, parfois cotonneuses, s’étendant sur le bois, la maçonnerie ou l’isolant.
- Cordonnet gris à brun courant le long des murs, derrière les plinthes ou au niveau des jonctions bois-maçonnerie.
- Fructifications brunes à bords blancs, ressemblant à une « crêpe » ou à une large croûte, souvent sur des zones peu accessibles.
Dans une ossature bois, ces signes peuvent apparaître en pied de mur (contact bois/béton), derrière les isolants, sous les planchers bois au-dessus d’un vide sanitaire ou à proximité des raccordements de plomberie. Dès la moindre suspicion, un diagnostic mérule par un professionnel qualifié (mycologue du bâti, entreprise spécialisée) est indispensable.
Diagnostic mérule : méthodes et spécificités pour l’ossature bois
Un diagnostic sérieux ne se limite pas à un simple coup d’œil. Dans une maison à ossature bois, l’expert doit combiner plusieurs approches :
- Inspection visuelle détaillée de tous les locaux à risque : pièces humides, rez-de-chaussée, sous-sol, combles, points d’entrée d’eau, jonctions bois-maçonnerie.
- Mesure de l’humidité des bois et des maçonneries au moyen d’un humidimètre, pour repérer les zones à risque ou les désordres d’origine (infiltration, remontées capillaires, condensation).
- Sondages destructifs ciblés : dépose ponctuelle de plinthes, percement de cloisons, ouverture de planchers pour accéder à l’ossature et vérifier l’état réel du bois.
- Prélèvements et analyses de laboratoire pour confirmer l’espèce de champignon lignivore (mérule ou autre champignon de pourriture).
Le rapport de diagnostic doit mentionner l’étendue de l’infestation, les zones contaminées, les causes d’humidité et des préconisations de traitement et de travaux connexes (ventilation, étanchéité, drainage…). Il sert de base au plan de traitement, essentiel dans le cas d’une maison à ossature bois où la structure est en jeu.
Cadre légal et obligations en France
En France, il n’existe pas encore de réglementation nationale complète dédiée à la mérule, mais plusieurs textes encadrent la question :
- Code de la construction et de l’habitation, article L133-1 et suivants : ils prévoient que, dans les zones délimitées par arrêté préfectoral comme infestées par la mérule, « tout occupant d’un immeuble ayant connaissance de la présence de mérule en fait la déclaration en mairie ».
- Arrêtés préfectoraux : certains départements (notamment Bretagne, Normandie, Nord-Ouest et régions humides) ont délimité des zones à risque mérule, avec des obligations d’information renforcées.
- Loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014) : elle impose, dans les zones délimitées par arrêté, une information de l’acquéreur sur la présence de mérule, lorsque le vendeur en a connaissance (obligation d’information précontractuelle).
- Code civil, garantie des vices cachés : la mérule peut être considérée comme un vice caché rendant le bien impropre à sa destination, entraînant la responsabilité du vendeur (articles 1641 et suivants).
Dans le cadre d’une maison à ossature bois, un diagnostic préalable à la vente incluant la recherche de champignons lignivores, même s’il n’est pas toujours obligatoire, est fortement recommandé. Il permet de sécuriser la transaction et d’éviter des litiges coûteux ultérieurement.
Traitements adaptés à la mérule dans les maisons à ossature bois
Le traitement de la mérule dans une maison à ossature bois doit être curatif et structurel. Il ne suffit pas de pulvériser un fongicide : l’objectif est d’éliminer le champignon, de supprimer les causes d’humidité et de restaurer la solidité de la structure.
Les grandes étapes d’un traitement sérieux sont généralement les suivantes :
- Assèchement et suppression des sources d’humidité : réparation des fuites, amélioration de l’étanchéité de la toiture, des façades et des menuiseries, ventilation des vides sanitaires, mise en place de drainage si nécessaire.
- Démolition et évacuation des matériaux contaminés : dépose des plinthes, cloisons, doublages, isolants et parements atteints. Les bois fortement dégradés doivent être entièrement remplacés.
- Rabotage ou décapage des pièces encore saines : retrait mécanique de la surface contaminée autour des zones atteintes, sur une largeur de sécurité.
- Traitement fongicide des maçonneries et des bois résiduels par injection et pulvérisation de produits certifiés (norme NF, produits de traitement curatif contre les champignons lignivores).
- Reconstruction de l’ossature bois et des parements avec des matériaux conformes, secs, en respectant les règles de l’art (DTU 31.2 pour les constructions à ossature bois, par exemple).
Les interventions doivent être réalisées par des entreprises spécialisées disposant de qualifications reconnues (par exemple la certification CTB-A+ délivrée par le FCBA), gage de compétence technique et de respect des protocoles de traitement.
Prévention de la mérule dans les maisons à ossature bois
La prévention reste la meilleure stratégie, particulièrement pour ce type de construction. Plusieurs mesures limitent considérablement les risques d’apparition de la mérule :
- Conception soignée : rupture de capillarité entre les fondations et l’ossature, ventilation efficace des vides sanitaires, évacuation rapide des eaux pluviales, bardage ventilé, bonne étanchéité à l’eau et à l’air.
- Choix de bois adaptés : mise en œuvre de bois secs (taux d’humidité maîtrisé) et, si nécessaire, traités préventivement contre les champignons lignivores (classe de risque adaptée).
- Ventilation efficace du logement : VMC entretenue, entrées d’air non obstruées, aération régulière des pièces humides pour éviter les condensations persistantes.
- Entretien régulier : nettoyage des gouttières, vérification des joints de menuiseries, contrôle des toitures, recherche et réparation rapide de toute infiltration.
- Surveillance des zones à risque : inspection périodique des pieds de murs, des sous-sols, des combles et de tout endroit présentant des traces d’humidité.
Dans les régions reconnues comme particulièrement exposées, ces mesures préventives doivent être considérées comme prioritaires, en particulier pour les maisons à ossature bois récentes ou en projet de construction.
Que faire en cas de suspicion de mérule dans une ossature bois ?
Face au moindre doute, il est important d’agir rapidement et méthodiquement :
- Limiter la propagation : éviter les travaux qui pourraient disperser des spores (perçages, démolitions sauvages) sans précaution. Ne pas tenter de gratter ou d’aspirer les zones contaminées sans protection.
- Faire intervenir un diagnostiqueur ou une entreprise spécialisée : privilégier un professionnel habitué aux champignons lignivores et idéalement certifié. Demander un rapport écrit détaillé.
- Informer la mairie si l’on se trouve dans une commune où un arrêté préfectoral « mérule » est en vigueur, conformément au Code de la construction et de l’habitation.
- Consulter son assurance habitation : bien que la mérule soit rarement couverte, certaines garanties spécifiques ou extensions peuvent exister, notamment en cas de dégâts liés à une fuite accidentelle.
- Prévoir un plan de travaux en concertation avec le professionnel : phasage du chantier, budget, solutions de relogement temporaire si les travaux sont lourds.
La réactivité est essentielle : dans une maison à ossature bois, la mérule peut rapidement compromettre la stabilité de certaines parties de la structure. Une prise en charge précoce permet souvent d’éviter une reprise complète de l’ossature et limite le coût global des travaux.
Sources et références utiles
Pour aller plus loin et disposer d’informations techniques et réglementaires à jour, plusieurs ressources peuvent être consultées :
- Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) – travaux sur les risques sanitaires liés aux moisissures et champignons lignivores.
- Centre technique du bois et de l’ameublement (FCBA) – recommandations sur la durabilité biologique des bois et certifications CTB-A+.
- Guides techniques sur les champignons lignivores édités par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment).
- Code de la construction et de l’habitation, articles L133-1 et suivants, et arrêtés préfectoraux locaux relatifs à la mérule (consultables sur les sites des préfectures).
- Normes et DTU applicables aux constructions à ossature bois (notamment DTU 31.2) disponibles auprès de l’Afnor.
La connaissance du risque mérule, associée à une vigilance régulière et à une bonne gestion de l’humidité, permet de préserver durablement la sécurité et la valeur d’une maison à ossature bois.
