Comprendre la mérule : un ennemi insidieux dans les bâtiments humides
La mérule, ou Serpula lacrymans, est un champignon lignivore particulièrement redoutable. Il s’attaque au bois de construction dans des environnements confinés et humides. Invisible dans ses premières phases de développement, la mérule peut entraîner des dégâts structurels majeurs si elle n’est pas détectée à temps. Ce champignon prolifère derrière les murs, sous les planchers ou dans les combles, souvent pendant plusieurs mois avant que les signes visuels n’apparaissent.
Le développement de la mérule est favorisé par plusieurs facteurs : l’humidité persistante des matériaux, l’absence de lumière, et surtout, une ventilation déficiente. C’est ce dernier point qui joue un rôle clé dans la prévention de toute infestation.
L’humidité, déclencheur principal de l’invasion de mérule
Pour prospérer, la mérule a besoin d’un environnement humide (entre 22% et 35% d’humidité dans le bois), d’une température comprise entre 20 et 26°C et d’un manque d’aération. Ces conditions se rencontrent fréquemment dans les caves, sous-sols, vides sanitaires mal ventilés, ou les logements mal entretenus.
L’infiltration d’eau de pluie, une fuite dans la toiture, un dégât des eaux ou une ventilation bloquée sont autant de sources de problèmes. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), la croissance de la mérule est directement corrélée aux niveaux d’humidité dans les structures en bois. L’absence de flux d’air constant favorise la condensation, un terrain idéal pour le développement fongique.
Le rôle fondamental de la ventilation dans la prévention
Mettre en place une ventilation efficace est une des premières barrières contre une infestation de mérule. L’aération permet de contrôler l’humidité relative de l’air intérieur et d’éviter l’accumulation d’humidité dans les matériaux de construction. Il existe plusieurs types de ventilations qui peuvent être utilisées dans les bâtiments pour lutter contre les causes de l’humidité.
- Ventilation mécanique contrôlée (VMC) : elle assure le renouvellement de l’air et l’évacuation de l’humidité dans l’ensemble du logement.
- Aération naturelle : consiste à exploiter les ouvertures (fenêtres, grilles d’aération) pour laisser circuler l’air, bien que moins efficace dans les zones confinées comme les vides sanitaires ou les combles.
- Déshumidificateurs : utiles ponctuellement dans les zones à haut taux d’humidité.
- Ventilation par insufflation : système qui injecte de l’air sec à l’intérieur du logement, aidant à maintenir un air ambiant sec.
L’installation d’un système de ventilation adapté permet ainsi de maîtriser l’hygrométrie du bâtiment et de limiter les risques, en empêchant la mérule de trouver les conditions favorables à sa prolifération.
Zones à risques et vérifications régulières
Certains secteurs géographiques en France sont plus touchés que d’autres. Des départements comme le Finistère, le Morbihan, la Seine-Maritime ou encore les Vosges sont particulièrement concernés. Depuis la loi ALUR (Accès au Logement et Urbanisme Rénové, 2014), les zones où la mérule est répertoriée doivent être déclarées par les préfectures.
Les propriétaires de bâtiments situés dans ces zones à risque doivent être particulièrement vigilants. Il est recommandé de procéder à des inspections régulières, au niveau :
- Des planchers en bois (en regardant la présence de pourriture cubique ou de champignons visibles)
- Des caves et vides sanitaires (en s’assurant de l’absence d’odeurs de moisi ou de condensation excessive)
- Des combles et charpentes (zone souvent négligée faute d’accès facile)
Entretien du système de ventilation : une nécessité
Une ventilation mal entretenue peut rapidement devenir inefficace, voire aggraver le problème en redistribuant de l’air chargé d’humidité. Il est donc impératif de :
- Nettoyer les bouches d’aération régulièrement (au moins tous les 6 mois)
- Faire contrôler le moteur et les gaines de votre VMC par un professionnel une fois par an
- Surveiller les points froids dans la maison à l’aide d’un hygromètre
L’objectif est d’assurer une circulation de l’air constante dans toutes les pièces, y compris dans les parties basses et inaccessibles du bâtiment. Une ventilation bien conçue ne se limite pas à l’aération des pièces de vie mais cible également les zones cloisonnées où l’humidité peut rester piégée.
Normes et réglementations en matière de contrôle de l’humidité
En France, la législation encadre certaines pratiques concernant l’humidité et la salubrité des logements. L’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 stipule que tout logement loué doit être « décent », c’est-à-dire exempt de dangers pour la santé, notamment liés à l’humidité et aux moisissures.
De plus, selon l’arrêté du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, l’aération des pièces doit se faire « par des dispositifs assurant un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement ».
En cas de présence de mérule, une déclaration à la mairie est obligatoire dans les zones concernées (articles L133-7 et L133-8 du Code de la construction et de l’habitation). Cela permet d’éviter la propagation du champignon en informant les pouvoirs publics et les voisins.
Prévention combinée : ventilation et traitement
La ventilation est un élément essentiel, mais elle doit s’inscrire dans une approche globale de prévention. Pour une meilleure efficacité, elle peut être couplée à :
- Un traitement fongicide préventif sur les structures en bois sensibles
- L’installation de barrières d’étanchéité pour éviter les remontées capillaires
- L’isolation des zones humides avec des matériaux adaptés
En cas d’infestation confirmée, l’intervention d’une entreprise spécialisée est nécessaire. Le traitement curatif inclut la destruction des bois infectés, l’assainissement des murs et l’assèchement de l’air. Par la suite, un système de ventilation renforcée doit être maintenu pour éviter une récidive.
Investir dans une bonne aération est donc une mesure préventive incontournable, mais aussi un complément indispensable à tout dispositif de traitement contre la mérule.
Vers une stratégie durable de lutte contre la mérule
La lutte contre la mérule passe avant tout par une meilleure compréhension de ses conditions de développement. Une bonne ventilation du bâtiment est souvent la solution la plus simple, la plus durable et la plus économique à long terme. Elle protège non seulement contre ce champignon, mais aussi contre une multitude de problèmes liés à l’humidité : acariens, moisissures, corrosion, dégradation des isolants.
Il est donc essentiel d’agir en amont, dès la construction ou lors de la rénovation, en intégrant des dispositifs de ventilation adaptés et un suivi régulier du niveau d’humidité. En milieu habité comme en bâtiment ancien, la protection contre la mérule repose sur la combinaison entre technologie, vigilance et régularité d’entretien.