Comprendre la mérule : un champignon lignivore redoutable
La mérule pleureuse, ou Serpula lacrymans, est un champignon lignivore qui s’attaque principalement aux bois utilisés dans les constructions. Particulièrement destructrice, elle prolifère dans les milieux humides, mal ventilés et sombres. Elle peut provoquer des dégâts structurels importants dans les logements si elle n’est pas détectée et traitée à temps. Bien que souvent associée aux bâtiments anciens et mal entretenus, la mérule peut également se développer dans les constructions neuves si certaines conditions favorables sont réunies.
La réglementation liée à la mérule en France
Depuis l’intégration de la mérule dans la loi Alur (Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014), certaines obligations concernent les zones à risque, notamment l’obligation d’information en cas de vente d’un bien situé dans une commune identifiée comme infestée. Toutefois, aucune obligation de traitement préventif n’existe encore pour les logements neufs. Néanmoins, la prévention repose en grande partie sur la qualité de la conception et des matériaux utilisés lors de la construction.
Dans certaines zones géographiques, des arrêtés préfectoraux imposent des obligations supplémentaires. Il est donc essentiel de consulter les documents d’urbanisme et les arrêtés municipaux avant de débuter une construction, notamment dans les régions fortement touchées comme la Bretagne, les Pays de la Loire ou le Nord-Pas-de-Calais.
Conditions de développement de la mérule
Pour mieux prévenir l’apparition de la mérule, il faut comprendre les conditions idéales à son développement :
- Un taux d’humidité du bois supérieur à 22 %.
- Une température ambiante de 20 à 26 °C.
- Des lieux peu ou pas ventilés.
- La présence de matériaux cellulosiques : bois, carton, papiers, etc.
Ces facteurs soulignent l’importance de la gestion de l’humidité et de la ventilation dans un logement neuf. Même un habitat flambant neuf peut offrir ces conditions si la conception est mal pensée ou si des défauts d’exécution apparaissent.
Stratégies de prévention lors de la construction
La prévention de la mérule dans les logements neufs repose principalement sur une conception rigoureuse du bâti et le choix de matériaux adaptés. Voici les éléments clés à prendre en compte pour limiter efficacement les risques d’infestation.
Traitement de l’humidité : un axe prioritaire
Le contrôle de l’humidité est un levier majeur dans la lutte contre la mérule.
- Étanchéité à l’eau : Toute infiltration à travers la toiture, les murs ou les fondations peut créer un environnement propice au développement de la mérule. Il est essentiel de respecter les normes d’étanchéité, notamment la norme DTU 31.2 pour les constructions à ossature bois.
- Gestion des remontées capillaires : Les fondations doivent intégrer un système efficace de rupture de capillarité pour éviter les remontées d’eau du sol vers la structure du bâtiment.
- Drainage périphérique : Un bon drainage autour de la maison permet de limiter l’humidité au niveau des soubassements.
- Ventilation : L’installation d’un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC), idéalement hygroréglable de type B, permet de réguler l’humidité dans l’air intérieur.
Choix des matériaux : priorité à la durabilité
L’utilisation de matériaux résistants à l’humidité et aux moisissures contribue fortement à limiter les risques.
- Bois traité ou naturellement durable : Préférez les bois de classe 2 à 4, adaptés à une exposition à l’humidité. Des essences comme le chêne, le mélèze ou le douglas non traités sont naturellement plus résistants aux attaques fongiques.
- Matériaux composites ou traités fongicides : Certains matériaux issus de bois composites ou traités chimiquement offrent une meilleure résilience face aux champignons lignivores.
- Éviter les matériaux recyclés non contrôlés : Les bois récupérés ou anciens réutilisés sans traitement préalable peuvent introduire des spores de mérule dans un bâtiment neuf.
Mise en œuvre soignée dans le respect des normes
La meilleure prévention passe par une construction rigoureuse, conforme aux règles professionnelles en vigueur.
- Respect des DTU (Documents Techniques Unifiés) : Ces documents encadrent les bonnes pratiques en matière de construction. Leur respect est essentiel pour garantir une structure saine.
- Contrôle de l’humidité des matériaux avant pose : Les bois utilisés doivent avoir un taux d’humidité inférieur à 20 % pour éviter le développement fongique dès le chantier.
- Séparation des masses humides et sèches : Éviter les jonctions directes entre des parties humides (dalle béton) et les parties en bois sans rupture de capillarité.
- Inspection régulière du chantier : Une mauvaise gestion d’un incident d’eau durant le chantier (infiltration, mauvaises conditions de stockage du bois) peut suffire à favoriser la mérule dès les premières semaines.
Innovation et technologies de prévention
Certaines entreprises proposent aujourd’hui des dispositifs complémentaires pour prévenir la mérule dès la construction :
- Peintures et vernis fongicides : Appliqués sur le bois, ils limitent le risque de colonisation.
- Capteurs d’humidité connectés : Installés dans la structure ou dans les pièces sensibles comme les sous-sols, ces dispositifs permettent une surveillance en continu de l’humidité.
- Systèmes de ventilation intelligents : Capables d’ajuster les débits d’air selon l’humidité mesurée en temps réel, ils améliorent la qualité de l’air et réduisent les risques pour le bâti.
Une vigilance à maintenir dans le temps
Construire avec les bons matériaux ne suffit pas si le bâtiment n’est pas entretenu correctement. Malgré toutes les précautions prises lors de la construction, certains aléas (inondation, fuite non détectée, défaut de ventilation) peuvent créer un environnement favorable à la mérule. Il est donc essentiel que les logements neufs fassent l’objet d’une surveillance régulière, notamment dans les premières années suivant la livraison.
Des campagnes d’inspection visuelle, des relevés hygrométriques et un entretien rigoureux des systèmes de ventilation participent à maintenir une enveloppe bâtie saine. En cas de doute, un diagnostic mérule réalisé par un professionnel certifié peut permettre de détecter la présence de spores ou de zones à risque avant leur développement.
Un rôle collectif pour prévenir l’infestation
La lutte contre la mérule dans les habitats neufs repose sur une chaîne de vigilance impliquant plusieurs acteurs :
- Le maître d’ouvrage, qui doit intégrer la prévention dès la phase de conception.
- Le maître d’œuvre et les artisans, garants de la bonne mise en œuvre et du respect des normes.
- Les fournisseurs de matériaux, qui doivent garantir la qualité et la traçabilité des bois et produits dérivés.
- Les occupants, enfin, qui assurent l’entretien et signalent toute anomalie (mauvaises odeurs, humidité persistante, décollement de peinture, etc.).
En anticipant les risques de développement de la mérule dès la conception et grâce à une sélection rigoureuse des matériaux et des techniques de construction, il est tout à fait possible de bâtir des logements neufs résistants à ce champignon destructeur. La vigilance, l’entretien et la bonne information des propriétaires et professionnels restent toutefois essentiels pour garantir la pérennité des bâtiments.